Tout a commencé en 2016, lorsque Françoise Cahen, professeur de français, a lancé une pétition adressée à Najat Vallaud-Belkacem pour réclamer la présence de femmes de lettres au programme du bac : « Nous ne demandons pas la parité, juste que les grandes écrivaines comme Marguerite Duras, Mme de Lafayette, Annie Ernaux, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir, George Sand, Louise Labé… soient aussi régulièrement un objet d’étude pour nos élèves ». La pétition a remporté un succès mérité, et causé un retentissement suffisamment important pour que la question soit enfin considérée par le ministère de l’Education nationale. Résultat : une femme a finalement fait son apparition dans le programme du bac littéraire 2018. Aux côtés des Faux-Monnayeurs d’André Gide (déjà présent au bac 2017), La Princesse de Montpensier de Madame de Lafayette fait son apparition.
Madame de Lafayette, une femme de lettres audacieuse et en avance sur son temps
Non seulement le gouvernement n’a pas été sourd à la pétition de Françoise Cahen, mais l’auteure sélectionnée fait partie de celles qu’elle proposait. Autre bonne chose : l’œuvre choisie n’est pas La Princesse de Clèves, le roman le plus connu Madame de Lafayette, mais La Princesse de Montpensier. Le roman a bénéficié d’un regain de popularité grâce à une adaptation sortie au cinéma en 2010, avec Mélanie Thierry et Gaspard Ulliel. En France, Madame de Lafayette (1634-1693) fait figure d’institution, et les deux romans mentionnés ci-dessus sont considérés comme des classiques.
Lafayette est aussi l’un des fers de lance du mouvement des précieuses, aux côtés de Madame de Scudéry et Madame de Sévigné, elles aussi femmes de lettres. L’objectif de ce mouvement ? Discuter de littérature, écrire, et rendre le langage plus raffiné. Les précieuses sont ainsi à l’origine de plusieurs néologismes qui font partie du vocabulaire courant aujourd’hui. Paradoxalement, elles ont aussi contribué à simplifier l’orthographe ! Certains membres du cercle des précieuses refusaient également la sexualité, jugée triviale. Un mouvement d’avant-garde, donc, et dont le propos est encore aujourd’hui très moderne. Jusque-là, le choix de la Princesse de Montpensier semble justifié. Et s’il n’était pas aussi pertinent que ça ?
La Princesse de Montpensier reste un classique peu attractif pour les lycéens
Notons un autre atout de La Princesse de Montpensier : le livre est court. (Dans certaines éditions, il n’atteint même pas les 100 pages.) Pour faire découvrir la littérature classique aux lycéens, rien de plus décourageant qu’un pavé imprimé avec des caractères minuscules !
Or, l’écueil se trouve précisément là : La Princesse de Montpensier reste un classique exigeant, aux problématiques très ancrées dans son époque, et pas toujours… attractif. Le style du XVIIème siècle n’est pas forcément très accessible. Le choix d’un livre de Madame de Lafayette pour le bac L constitue une véritable avancée, c’est indéniable. Pourtant, il tombe dans le même écueil que les autres œuvres au programme : ce sont des livres sérieux, qui ne passionnent pas les lycéens, et qui ne contribuent pas à augmenter leur goût pour la littérature.
A l’inverse, il existe des auteures plus abordables, et dont l’importance dans la littérature n’est pas à remettre en cause. Elles sont aussi bien plus susceptibles de plaire aux adolescents. On peut par exemple citer Emily Brontë et Les Hauts de Hurlevent, Marcelle Sauvageot et son court texte Laissez-moi, Jane Austen avec Emma (et son légendaire plot-twist final !), Mary Shelley et Frankenstein… Et tous ces livres ne sont pas des romances, loin de là. Eh oui, La Princesse de Montpensier tombe dans un autre cliché (sans doute involontaire) : l’œuvre de Lafayette met en avant les passions amoureuses et la sensibilité dans un milieu aristocratique très raffiné. Peut-être eut-il été plus judicieux de choisir une œuvre plus facile, moins conventionnelle, et moins « clichée » que le récit d’une dame de la cour disputée par quatre prétendants.
La prochaine étape, c’est peut-être de proposer aux lycéens, toutes filières confondues (quid de la seconde générale ?) des œuvres qu’ils prendront plaisir à lire, à découvrir, et qui sauront attiser leur curiosité au point de leur faire dévorer d’autres livres.
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