Quand on interroge Elise Luguern sur son métier, elle vous explique que c’est un gros malentendu qui dure depuis 15 ans, que si elle est devenue superviseur musical c’est parce qu’elle était mauvaise violoniste, elle rigole beaucoup et donne le tempo… On en oublierait presque qu’il s’agit d’un des fleurons de la musique de film made in France.
Quel est votre parcours ?
A l’origine suis musicienne (violoniste).
J’ai débuté dans le métier en tant qu’attachée de presse chez EMI Classics (major du disque).
Luc Besson cherchait du renfort pour la division musicale d’EuropaCorp, je l’ai rejoint en 1998.
En 2007 et après 5 ans chez EuropaCorp, j’ai décidé de créer ma structure (Explosante Fixe). Aujourd’hui j’ai embauché 2 salariées.
Pourriez-vous nous décrire votre métier ?
Je suis spécialisée dans les longs métrages. Mon rôle c’est de faire l’interface – de trouver le bon accord – entre le producteur, le réalisateur et le compositeur d’un film.
Concrètement ? Je lis le scénario, ensuite j’opère un relevé des musiques à trouver, et je me lance dans la recherche des chansons.
Au risque de vous décevoir, je ne passe pas mes journées les pieds sur la table à écouter de la musique et disant « ça bien, ça pas bien »...
Au delà du suivi artistique, il y a toutes la production exécutive, incluant la maîtrise du budget (booker les studios, négocier l’achat des droits, etc.).
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans cette profession ?
La recherche (je me plonge littéralement dans chaque projet) et la fabrication : quand on entre en studio avec les musiciens pour enregistrer, il y a toujours un moment magique.
Si un jeune veut devenir superviseur musical, quelle est la marche à suivre ?
Le hic c’est qu’il n’y a pas d’école pour devenir superviseur musical. C’est un métier à géométrie variable…
Beaucoup sont issus des maisons de disques, avec un profil plutôt marketing, c’est une approche différente de la mienne mais intéressante.
Il y a de plus en plus de juristes également : comme la profession s’ « américanise », les notions de droit en propriétés intellectuelles sont indispensables, et c’est un travail qui demande de la rigueur.
En fait, on recherche surtout des profils avec de la jugeote : des gens qui comprennent vite et savent rebondir.
Des exemples de films dont vous avez supervisé la musique ?
Je suis super contente de ma collaboration sur le dernier film de Paul Verhoeven (Elle), avec la compositrice anglaise Anne Dudley (groupe Art of Noise).
Et pour un film plus grand public comme Les Profs, je suis fière de la BO qu’on a choisie : c’est chouette que des gamins écoutent The Kills, Mathieu Gonnet ou The Dø.
Et puis il y a aussi eu La vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche), Trois enterrements (de Tommy Lee Jones), Massive Attack sur Danny The Dog (de Louis Leterrier)…
Une belle musique ne sera pas forcément une belle musique de film. Il faut qu’elle apporte du rythme à l’image, il faut la faire rentrer dans l’histoire, savoir l’en sortir, c’est très spécifique. Je me compare souvent à une sage femme : finalement je fais accoucher le film du bébé de la musique.
