Vous vous en souvenez peut-être : lors de la sortie du film Pixar Vice-Versa, un tweet de François Aubel (rédacteur en chef de la culture au Figaro) avait fait polémique : « Sidéré par le nombre d’adultes, sans enfants, qui vont voir Vice-Versa. Infantilisation de notre société ». Ces propos ont provoqué un tollé dans les médias, qui s’explique bien. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes adultes clament haut et fort leur amour pour les œuvres destinées à la jeunesse, des films d’animation aux albums pour enfants. Après tout, il est tout à fait possible d’être fan de David Fincher et des Editions Père Fouettard ! Si ces dernières ont attiré notre attention, c’est parce qu’elles ont récemment publié un nouvel album, Entre chien et poulpe, écrit et dessiné par Martin McKenna. On ne va pas vous le cacher : on a d’abord songé à l’acheter pour nous. Parce que cette histoire d’un petit garçon qui reçoit un poulpe pour son anniversaire à la place du chien de ses rêves est drôle et pince-sans-rire, avec un univers qui peut plaire à tous. Bref, c’est une véritable œuvre d’art (adorable) avec plusieurs niveaux de lectures et quelques références bien placées. Finalement, est-ce que ça ne serait pas ce qui fait l’attrait d’un album pour enfants auprès des jeunes adultes ? Pour approfondir la question, nous avons discuté avec Florent Grandin, qui a publié l’ouvrage aux Editions Père Fouettard.
Comment choisissez-vous les histoires que vous allez publier ?
Florent Grandin : D’abord pour la beauté des illustrations. Il faut aussi qu’elles restent accessibles aux enfants, et qu’elles comportent plusieurs niveaux de lecture. Elles doivent plaire aux enfants dès l’âge de 3 ans, mais aussi à ceux qui sont au CP. Ils vont relire ces albums et comprendre de nouvelles choses. Et, qui sait, quand ils seront adultes, ils pourront retomber dessus, les relire et en déduire encore de nouvelles choses ! Chaque enfant a son propre rythme.
Sur le site des Editions Père Fouettard, vous dites que vous publiez « des albums pour tous les enfants, les sages et les autres, et même pour les adultes ». C’est important pour vous que vos albums atteignent aussi cette cible, pas seulement celle des enfants ?
Oui, parce qu’on part du principe que la lecture sera accompagnée, qu’elle se fera à voix haute par les adultes. Les parents continuent à lire des histoires à leurs enfants jusqu’au CP. Donc l’histoire doit leur plaire à eux aussi ! On lit toujours les histoires qu’on veut publier à voix haute, c’est important.
D’ailleurs, les adultes aussi aiment qu’on leur raconte des histoires, le phénomène des audiobooks fonctionne vraiment bien depuis quelques années.
C’est vrai. C’est là qu’on voit que les voix deviennent aussi importantes que les histoires. Si le texte est génial mais que vous n’aimez pas la voix qui le dit, ça ne passera pas…
Que pensez-vous du fait que de plus en plus d’adultes revendiquent leur amour pour les albums jeunesse et les dessins animés ? C’est quelque chose qui est de plus en plus assumé : les jeunes adultes vont voir le dernier Pixar au cinéma, par exemple…
C’est une question intéressante, je pense qu’il y a plusieurs hypothèses. Il y a une génération de parents qui a grandi avec les animés japonais et les dessins animés américains. Le rapport à la BD change. Avant, c’était un phénomène marginal, mais ça s’est démocratisé. Tout le monde lit de la BD, maintenant !
Les adultes vont du coup plus facilement vers les albums jeunesse, qui s’adressent aussi à eux. Un exemple parlant, c’est le phénomène des livres pop-up : certains ne vont être achetés que par les adultes, car le concept leur parle beaucoup plus. Mais il y a une dérive à ça : c’est que certains albums oublient l’enfant, et n’offrent plus de lectures à double niveau, en se destinant avant tout à un public adulte.
L’album Entre chien et poulpe de David McKenna, qui a aussi dessiné pour les adultes, me semble justement bien respecter ce double-niveau. Il y a cette histoire d’un garçon et son animal qui peut parler aux enfants, mais aussi une imagerie un peu steampunk qui peut plaire aux adultes.
C’est vrai ! Il y a également certains traits d’humour dans le livre qui échappent aux enfants. L’album est aussi dessiné en numérique, ce que les enfants peuvent apprécier, à condition que les personnages soient identifiables.
Ma dernière question est pour vous : parmi tous les albums que vous avez publiés, lequel préférez-vous ?
Ma réponse va peut-être vous embêter, mais tous ! Je les aime vraiment tous, malgré leurs genres et leurs styles différents. Même celui qui a le moins marché, mais c’est peut-être parce que je l’ai moins bien défendu. Mais oui, tous, vraiment.
Plus d'infos sur Digischool : 4 comics pour vous initier aux superhéros