Imaginez : une personne paraplégique peut à nouveau remarcher grâce à des jambes robotiques. Pas besoin de télécommande : des capteurs placés sur son corps permettent de repérer les mouvements souhaités par l’utilisateur. Le pilotage de l’exoquelette Atalante, conçu par Wandercraft, repose entièrement sur l’utilisateur. A l’origine du projet : trois jeunes ingénieurs issus de l’école polytechnique, fidèlement suivis et conseillés par Jean-Louis Constanza, qui les a désormais rejoints. Il est revenu sur les motivations qui se cachent derrière la startup, ses objectifs et la question de l’homme augmenté.
Quelle est l’origine de Wandercraft, et comment avez-vous été amené à travailler sur ce projet ?
Jean-Louis Constanza : Le projet vient de trois élèves de l’école polytechnique (Nicolas Simon, Alexandre Boulanger et Matthieu Masselin), qui y étaient encore lorsqu’ils l’ont imaginé. Nicolas Simon (CEO) a des personnes qui sont en fauteuil roulant dans sa famille, ce qui l’a poussé à imaginer ce projet. Les deux autres avaient une spécialité pointue en robotique. La technologie qui existe aujourd’hui est impressionnante, mais elle n’est pas suffisante pour permettre à des personnes handicapées de marcher. J’ai moi-même une spécialisation en robotique, et j’ai rejoint Wandercraft en 2016 en tant que CBO, mais je suivais déjà le travail des trois fondateurs depuis la création de l’entreprise. Nous avons fait une levée de fonds en 2013 et nous travaillons actuellement avec vingt-quatre ingénieurs (dont neuf PhD), parmi les meilleurs spécialistes en robotiques du monde.
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs en quoi consiste l’exosquelette Atalante ?
Atalante est destiné aux personnes qui ne peuvent plus marcher : les personnes paraplégiques, celles qui ont subi un AVC… Il est fait pour aider les gens au quotidien, ne serait-ce que pour aller au bureau. Mon fils est en fauteuil roulant, et il m’a un jour demandé quand les robots les remplaceraient.
Notre projet repose sur la robotique dynamique : Atalante comporte douze articulations motorisées au lieu de quatre. Les essais cliniques d’Atalante ont démarré il y a deux jours sur une patiente paraplégique, c’est une première ! L’objectif d’Atalante est d’être intuitif : il doit être capable de relever le patient s’il tombe, par exemple. Mais nous ne donnons pas de date précise quant à la réalisation de nos objectifs, pour ne pas soulever trop d’espoirs trop tôt.
Quand l’exosquelette sera-t-il accessible au public ?
Dans quelques années. En 2012, le projet avait déjà bien avancé, et nous avons commencé les simulations en 2013. Il y a déjà eu plusieurs générations de prototypes, disponibles dans plusieurs centres de soins. Nous espérons avoir une version certifiée en 2018, que nous pourrons exporter aux USA et en Asie, et faire circuler à un plus grand public. Encore une fois, nous pensons aux patients et nous ne voulons pas faire d’annonce prématurée. C’est aussi pour ça que nous communiquons peu avec les médias.
Certains articles parlent déjà « d’homme augmenté » lorsqu’ils citent Wandercraft, voire de transhumanisme, ce qui peut faire peur à certains. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Je m’intéresse beaucoup au transhumanisme, mais je ne pense pas qu’on puisse parler d’homme augmenté pour Atalante. Nous rendons aux individus quelque chose dont ils sont privés. Quand on est en fauteuil roulant, on est déjà grand. On va permettre à des gens extraordinaires d’avoir une vie ordinaire, d’être ce qu’ils sont.
Pour en revenir à la question du transhumanisme, c’est l’utilisateur qui confère son intelligence au robot. Un peu comme en équitation : quand vous montez à cheval, votre monture est agile et loyale. Elle sait exactement ce que vous voulez sans que vous ayez besoin de tirer sur les rênes, vous l’effleurez à peine. Atalante est conçue pour fonctionner de façon intuitive. Ce n’est pas du transhumanisme, puisqu’on rattrape un retard subi par les personnes qui ne peuvent pas marcher.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le projet Wandercraft, et qui vous pousse à vous lever le matin ?
Le fait d’aider des gens qu’on connaît, et d’autres qu’on ne connaît pas. Mentalement, ce sont des gens très forts, mais qui ont une gêne. Et puis, je travaille avec une équipe hors du commun, c’est un des meilleurs jobs de ma vie !
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