« Poppy est un projet robotique communauté-centrée. Il permet à une communauté multidisciplinaire composée de chercheurs, enseignants, artistes et passionnés de robotique de partager leurs travaux, leurs visions ainsi que leurs idées », peut-on lire sur le site Poppy Project. Petit flash-back : en 2014, le robot Poppy fait le buzz suite à sa présentation au salon Innorobo, à Lyon. Il y a de quoi, puisque le petit humanoïde (94 cm) repose sur un concept original : il utilise des pièces en impression 3D et il est en open source. Le coût de fabrication du robot est de 9 000 euros. S’il possède une telle somme, n’importe qui peut reproduire le robot chez lui. Matthieu Lapeyre, alors en fin d’études à l’Inria (Bordeaux), venait présenter un concept novateur.
Poppy, un robot utilisé par les professeurs et les artistes
A tel point que Poppy est non seulement utilisé par le milieu scientifique, mais aussi par des artistes et dans le milieu éducatif. « A la base, Poppy était un projet scientifique, explique Matthieu Lapeyre. Les artistes sont venus s’y greffer plus tard. Il faut dire que la plateforme en open source est un outil simple à utiliser. » Ainsi, la compagnie de danse Shonen a monté le spectacle School of Moon avec des danseurs humains… mais aussi des robots, dont Poppy et Nao (conçu, lui, par Aldebaran Robotics).
L’avantage de Poppy, c’est que chacun peut travailler sur la partie du robot qu’il désire : les artistes le reproduisent intégralement et lui font les ajouts ou les customisations qu’ils souhaitent. Quant aux scientifiques, ceux qui veulent effectuer des recherches sur une seule partie du corps de Poppy sont libres de ne reproduire que son bras, par exemple.
Mais ce n’est pas tout. Poppy fait également des émules dans le milieu éducatif. Ainsi, le petit robot a fait son apparition chez les terminales ISN (Informatique et Sciences du Numérique) et STI2D. En témoigne l’interview d’un professeur parue sur le blog Génération Robots, qui a travaillé avec ses élèves sur l’assemblage de Poppy. Mais ce robot permet également aux élèves d’apprendre la programmation. Dans le même objectif, l’équipe de Poppy Project lui a également donné un petit frère, Ergo Jr. Cet autre robot « low cost », qui ressemble à s’y méprendre à la lampe de Pixar, fonctionne avec la plateforme d’apprentissage de codage Scratch. On l’aura compris, l’objectif est bien de rendre un domaine très technique accessible à tous. Un concept qui est au cœur de la démarche de Matthieu Lapeyre.
Une plateforme où chacun peut proposer ses idées
« Aujourd’hui, il y a 1 100 personnes inscrites sur le forum de Poppy », affirme le roboticien. En faisant un tour sur la plateforme (dont les topics ne sont pas cachés), on constate l’émulation qui règne parmi ses membres. Ici, chacun propose ses idées pour le robot Poppy : ajouts, améliorations, customisations… On trouve sur le forum des scientifiques, des roboticiens amateurs, des artistes. Les messages sont principalement en anglais, parfois en français. L’équipe de Matthieu Lapeyre intègre-t-elle les idées de sa communauté à son robot ? « Si les idées sont générales et pertinentes, on les intègre, répond-il. Pas si les transformations proposées concernent un usage particulier. Quoi qu’il en soit, elles restent publiées sur le forum, donc disponibles pour tous. »
Pollen Robotics, ou la robotique destinée au grand public
Depuis mai 2016, Matthieu Lapeyre a fondé sa société, Pollen Robotics. « Poppy est un projet académique de recherche. Il est destiné aux écoles d’ingénieurs, aux lycées, à l’art… Ça ne touche pas forcément le grand public, ce qui est justement l’objectif de Pollen Robotics, explique-t-il. Mais le combat reste le même. » Avec Pollen Robotics, Matthieu Lapeyre souhaite donc toucher une audience plus large, afin de sensibiliser les enfants et les jeunes à la programmation. Le roboticien souhaite créer des applications autour du jeu, et rester dans un objectif ludo-éducatif.
Tout comme sur le site de Poppy, on peut trouver un manifeste incitant à la création collective sur celui de Pollen Robotics : « Nous sommes convaincus que la robotique va changer fondamentalement la manière dont nous interagissons avec les objets qui s’animent autour de nous, peut-on lire. Nous souhaitons placer les citoyens au cœur de cette révolution, leur permettre de libérer leur créativité, de comprendre et de forger ce nouveau monde robotique ».
Prochain objectif : rendre commercialisable une version « mini humanoid » de Poppy, dont le prix serait de 1 000 euros, ce qui le rendrait plus accessible que son modèle d’origine.
La robotique, un domaine où « tout est à faire »
Contrairement à certains qui tirent la sonnette d’alarme concernant la progression de l’intelligence artificielle, Matthieu Lapeyre reste très optimiste : « Je ne m’inquiète pas du tout, confirme-t-il. Scientifiquement, on est encore très loin d’une intelligence qui puisse égaler celle de l’homme. On s’inquiète de Google qui bat un joueur d’échecs, mais ce qu’on ne dit pas, c’est qu’il a déjà joué des milliards de parties avant d’arriver à ce résultat. Tout comme les robots humanoïdes qu’on dote de reconnaissance faciale : ils ont une base de données de visages et doivent assembler des informations avant d’arriver à un résultat, ce dont un humain n’a pas besoin. » Selon le roboticien, il faudra encore 30 ou 40 ans avant que les chercheurs ne parviennent à un résultat probant en la matière.
A l’origine de ces projets, il y a avant tout une curiosité et une envie de créer des choses dans des domaines très variés. Matthieu Lapeyre ne serait-il pas un peu polymathe ? « Ce qui m’intéresse, dans ce métier, c’est de défricher un domaine inconnu, explique-t-il. La robotique est un domaine où tout reste à faire, contrairement à celui de l’automobile, par exemple, qui en est au stade où elle n’a qu’à se perfectionner. Dans la robotique, il y a énormément de choses à découvrir : le design, l’animation, la mécanique… » Au cours des prochaines années, Pollen Robotics risque fort de connaître une évolution passionnante.
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