Un contexte historique réaliste et angoissant
Pour comprendre toute l’originalité du titre d’Asobo Studio (auteur de Fuel et ayant notamment collaboré sur The Crew et ReCore), il faut se pencher sur son contexte. Le joueur se retrouve plongé en pleine guerre de Cent Ans au XIVe siècle. Cette période obscure de l’histoire française est d’autant plus intéressante qu’elle évoque les dérives de l’Inquisition. Les développeurs ont parfaitement assimilé tous les grands événements de cette sombre époque du Moyen Âge. Cela sans oublier l’épidémie de peste noire qui ravage alors toute l’Europe. Dans un genre différent, le souci de réalisme se rapproche de Kingdom Come: Deliverance qui, lui, se penchait sur le royaume de Bohême au XVe siècle.
Une histoire fraternelle au cœur de la tourmente
Si cet univers est hostile à bien des égards, le sentiment de vulnérabilité est accentué par les deux protagonistes. Pour accompagner le joueur dans cette aventure, Amicia et son frère Hugo sont deux orphelins contraints de fuir l’Inquisition pour survivre. On devine une grande sensibilité narrative dans les liens qui unissent les deux enfants. Si la corrélation de deux personnages profondément humains rappelle The Last of Us, le duo se rapproche surtout de celui de Brothers: A Tale of Two Sons. Certes, le ton est foncièrement aux antipodes, mais le fond possède de nombreuses similarités dans le traitement et la caractérisation des personnages.
Quand le jeu d’aventure rencontre l’infiltration et la survie…
En ce qui concerne le gameplay de A Plague Tale: Innocence, on se retrouve avec un savant mélange entre infiltration, survie et aventure narrative. L’amalgame des genres peut surprendre, mais se justifie pleinement par l’intrigue. Il convient de renverser un rapport de force défavorable aux deux orphelins pour progresser. Hugo peut se faufiler dans des espaces exigus. Amicia est en mesure de confectionner des objets à partir d’éléments glanés en cours de route. Elle dispose également d’une fronde pour assommer, voire occire, les ennemis. Il faut aussi faire attention aux hordes de rats qui, en certaines circonstances, peuvent être des alliés inattendus face aux gardes.
Des ambitions clairement affichées pour une ambiance unique
Avec des indicateurs discrets pour avertir d’une présence ennemie, les interactions se révèlent subtiles, flouant ainsi les repères visuels avec une expérience (presque) contemplative. Par ailleurs, certains panoramas dégagent une troublante mélancolie, en dépit du contexte délétère. Sur ce point, la direction artistique et l’atmosphère qui émanent des différents environnements rappellent Hellblade: Senua’s Sacrifice. Pour autant, il n’est pas ici question d’affrontements directs. Les développeurs ont également évoqué des énigmes pour varier les situations et la progression au fil d’une trame composée de 17 chapitres. Original et ambitieux, A Plague Tale: Innocence est un titre soigné, au gameplay maîtrisé, qui mérite vraiment l'intérêt.
Verdict
Vous l'aurez compris, A Plague Tale : Innocence est une réussite éblouissante. Le studio Asobo fait preuve d'une maturité remarquable pour nous offrir une épopée bien calibrée, menée par des héros touchants, une ambiance cohérente et une réalisation artistique épatante. Avec un souci permanent du détail (à l'exception de l'absence de mouvement des lèvres dans les phases de dialogue in-game), un environnement sonore de très grande qualité - porté par le travail remarquable du compositeur Olivier Deriviere - et tout simplement l'envie de bien faire, le développeur bordelais parvient à nous envoûter sur la durée tout en traitant de sujets quasiment jamais exploités dans le jeu vidéo (la peste, l'inquisition vue par les victimes...). Une des pépites de 2019, sans l'ombre d'un doute !