Récapitulons. En 2017, Disney a sorti La Belle et la Bête, et commencé à mettre en chantier Le Roi Lion et Mary Poppins. Non, on ne se trompe pas d’année : le studio a décidé d’adapter ses dessins animés en film avec prises de vue réelles (des live action), et d’offrir une nouvelle jeunesse à ses grands classiques. Pendant ce temps, Universal décide de créer un univers partagé de monstres, qui mélangerait la Momie, Dracula, Jekyll et Hyde et l’Homme Invisible… chose que les studios ont déjà faite dans les années 50 et 60. N’oublions pas non plus les reboots de Power Rangers, Jumanji, et celui de Jurassic Park – dont la suite va sortir cette année. On aurait aussi pu parler des reboots dans les séries télé (et ils sont de plus en plus nombreux), mais le cinéma donne déjà un bon aperçu de la tendance générale. Pourquoi ce recyclage ? Pourquoi les studios semblent-ils incapables de se renouveler ? Et surtout, comment ces reboots peuvent-ils faire de l’audience auprès du public ?
Les reboots jouent sur la nostalgie de la génération Y
La question des reboots fait rage sur les sites spécialisés. Sont-ils une bonne chose ou non ? Ce qui est certain, c’est qu’ils jouent sur deux tableaux : la nostalgie des millenials (ou génération Y) et l’effet de nouveauté sur la génération Z. Essayons d’y voir un peu plus clair.
Les millennials, ce sont toutes les personnes nées entre 1980 et 1999. Ce sont elles qui ont vu les trois premiers Star Wars quand ils étaient petits et ont assisté à la sortie de toute la prélogie (les volets I, II et III). Plusieurs Disney actuellement rebootés, comme La Belle et la Bête, sont sortis quand ils étaient enfants. La génération des millennials serait particulièrement touchée par la nostalgie. Un excellent article de Trevor Norkey, publié sur le site Movie Pilot, explique ce phénomène par l’évolution en accéléré d’un monde désormais envahi par la technologie. Résultat : la génération Y aurait envie de retrouver un goût de « l’avant » iPod, Netflix et smartphones. L’habileté des studios consiste alors à jouer avec les films basés sur les franchises qui ont fait leur enfance : Star Wars, Jurassic Park, Harry Potter… Et ça marche ! Principalement parce que ces films auraient un effet réconfortant, et qu’ils proposeraient du neuf tout en tablant sur quelque chose qui est bien familier à la génération Y. « On pourrait penser que les réalisateurs contrôlent l’industrie du cinéma, mais en réalité, c’est nous qui le faisons, écrit Trevor Norkey. (…) L’industrie travaille à combler nos besoins, et depuis peu, elle le fait à travers la nostalgie. »
Mais il nous faut aussi répondre à la question : pourquoi ces reboots plaisent tant à la génération Z ? Celle qui est née à la toute fin des années 90, et plus généralement au début des années 2000. Et donc celle qui n’a pas forcément connu la sortie des dessins animés Disney actuellement « rebootés », qui n’a peut-être jamais vu l’original de Ghostbusters ou à qui Power Rangers ne dit rien (ah, les années 90…). Pour ceux-là, ces reboots n’en sont pas, ou pas vraiment. Ces films sont un moyen de leur faire découvrir les originaux. Ceci reste un vœu pieux, et la quantité de jeunes spectateurs qui iront regarder les anciens Jurassic Park après le visionnage du reboot reste à définir. Pour cette tranche d’âge, l’attrait de la nouveauté est presque total. Les membres de la génération Z voir ces films comme n’importe quel autre, se doutant vaguement que ça a dû être un phénomène pour leurs aînés. Dans les deux cas, les studios sont gagnants… Vraiment ? Peut-être plus pour longtemps.
Un manque de prise de risque des studios
Bien entendu, les reboots Disney sont rentabilisés à leur sortie au cinéma. Mais un sentiment de lassitude (voire d’exaspération) atteint certains journalistes, et même certains spectateurs. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la bande-annonce du reboot de Dirty Dancing est sortie hier… Et nombreux sont les fans qui ont crié au scandale à l’annonce de la mise en chantier d’un reboot de Matrix. Les studios sont-ils incapables d’inventer de nouvelles histoires ?
Ce n’est pas le cas, et le problème est plus vicieux. Dans sa vidéo FAQ 2016, le Youtubeur François Theurel, aka le Fossoyeur de Films, analysait la situation comme suit : « Ce n’est pas un déficit d’inspiration des scénaristes, mais un déficit de prise de risque des studios. Les scénaristes inspirés qui ont envie de faire des trucs super originaux, il y en a. Ce sont les gros studios qui prennent de moins en moins de risques, et misent sur des trucs énormes pour faire des hold-up au box-office à chaque fois. (…) Il y a déjà un public qui existe, donc ils donnent leur feu vert à ce genre de projets. »
Le problème étant que ces films sont rentables : le public est fidèle, par conséquent les studios exploitent la fibre nostalgique jusqu’au bout. Imaginons donc que les spectateurs souhaitent un renouveau du cinéma à grand spectacle. Qu’ils veuillent la fin des reboots au cinéma. Qu’ils plébiscitent des histoires neuves, avec de nouveaux personnages qui sont bien développés en deux heures et n’ont pas besoin de mille suites. Dans ce cas… il faudra d’abord qu’ils décident de ne pas aller voir le reboot du Roi Lion en 2019.
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