Interview de Guillaume Rambourg DG de Riot France

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Guillaume Rambourg, le nouveau directeur du jeune bureau français de Riot Games a eu la gentillesse de répondre a quelques-unes de nos questions dans le cadre des LCS Europe qui se déroulaient le weekend dernier à Paris.

GUILLAUME RAMBOURG : L'INTERVIEW

Le weekend dernier se déroulait, pour la première fois à Paris, les finales européennes de League of Legends. Comme nous vous l'avions annoncé, les 4 meilleurs équipes sur le célèbre jeu de Riot Games s'affrontaient pour déterminer le champion d'Europe devant plus de 18 000 spectateurs à l'Accor Hotel Arena.
Les G2 Esport remportent le titre de champion d'Europe pour la quatrième fois consécutive et par là même leur place pour la phase finale du championnat du monde, qui aura lieu cet automne en Asie.
A cette occasion, Guillaume Rambourg, Directeur Général du tout nouveau bureau français de Riot Games a eu l'amabilité de répondre à quelques questions :

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Bonjour, j'imagine que pour vous cet événement est une grande satisfaction ?
Guillaume Rambourg : Bonjour ! Pour la satisfaction, ce sont les joueurs qui décideront. Mais c'est sûr que pour nous, c'est une grande fierté. On a créé un bureau en France au début de l'année, c'est tout jeune. On ne pouvait pas rêver mieux que d'avoir les finales européennes à Paris. On est fier de montrer au reste du monde, au reste de l'Europe, qu'on a un public très chaud. Je pense que c'est vraiment une des spécificités de la scène e-sport en France.
Le fait de montrer que les joueurs pro peuvent avoir de fortes sensations, grâce à notre public, ça nous tenait à cœur. Du coup, on est très contents.

Pouvez-vous nous faire l'état des lieux de la scène League of Legends en France ?
Actuellement en France, tout reste à faire, il y a beaucoup de tournois tiers qui existent. En tant que Riot Games, on n'en a pas fait assez, pas autant qu'on le pourrait. Historiquement, pour la France, tout était géré depuis un bureau paneuropéen basé à Dublin. On a une toute petite équipe francophone basée là-bas qui s'occupe d'organiser deux fois par an l'équivalent d'une Coupe de France qui s'appelle le Challenge France. La compétition est sympathique, mais c'est quelque chose que l'on pourrait développer et rendre plus attrayant que ce soit au niveau compétitif ou au niveau de la diffusion et de l'accueil des spectateurs. Il y a beaucoup de choses à améliorer.

League of Legends a trouvé son public et il est souvent leader en audience, notamment en France. À quoi attribuez-vous ce succès ?
Dans LOL, il n'y a aucun côté aléatoire dans le jeu. Ce qui prime, c'est la qualité intrinsèque, la performance des joueurs. Cette justesse encourage les gens à se dire "je vais voir ce que je vaux". Le jeu va bientôt avoir 8 ans, on ajoute du contenu et on rééquilibre les personnages et le jeu de manière régulière. On veut vraiment montrer à la communauté que l'on est présent, que l'on veut que le jeu perdure, que l'on est vraiment là pour que l'univers du jeu soit attrayant, mais aussi pour qu’il reste juste, équilibré afin que personne ne soit désavantagé.

Qu'est-ce qu'implique l'organisation d'une telle finale des LCS à Paris pour Riot Games ?
Beaucoup d'organisation, le tout nouveau bureau français de Riot n'a que 9 personnes pour le moment, on n'a pas pu le faire tout seul. Un bureau à Berlin s'occupe de l'e-sport spécifiquement. Ils sont rodés car ils font beaucoup de gros show plusieurs fois par an. Mais cela représente beaucoup de moyens humains entre les différents postes ; il y a une soixantaine de personnes impliquées sur ce week-end.

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Quel est selon vous l'état des lieux de l'e-sport en France par rapport à ce qui se fait dans le monde ?
Concernant l'e-sport chez Riot Games, nous avons commencé un peu à l'inverse du football (qui a commencé dans les villages pour se propager dans les villes au niveau mondial), en faisant directement un championnat du monde : les Worlds. Puis on a fait des compétitions continentales : Europe, Amérique du Sud, Amérique du Nord, Océanie, Corée. Ce qui manque vraiment maintenant c'est le pan local, national. D'où l'ouverture d'un bureau parisien afin de développer ces aspects. Et ainsi toucher la totalité des joueurs, une pyramide cohérente de joueurs amateurs et pro pour leur permettre de trouver des amis, des équipes, des tournois. On compte structurer tout cela dès l'an prochain.

Comptez-vous donc soutenir aussi les petites compétitions locales ?
Il y a tellement de formats qui peuvent exister : des tournois ou une seconde division. On a beaucoup de discussions à ce sujet. Le modèle n'est pas encore arrêté afin d'impliquer au mieux les joueurs. Nous clarifierons cela dans les mois à venir.

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Quels sont les prochains gros événements League of Legends à venir ?
Le point culminant de notre année e-sport sera octobre-novembre, avec la finale des championnats du monde qui aura lieu en Chine à Pékin. Le gagnant de ce week-end y participera. Les championnats du monde de 2016 ont rassemblé plus de 43 millions de spectateurs en ligne. Cela a été un gros succès ; on voudrait au moins réitérer cette performance. Mais on veut aussi progresser en qualité de production, au niveau des équipes et du divertissement, améliorer l’ensemble. Mais on veut avant tout que les joueurs s'éclatent sur le jeu et qu'ils y reviennent. C'est cela qui nous permettra de durer.

Quels projets pour le bureau France de Riot?
En ce moment, on se focalise énormément sur le recrutement pour constituer nos équipes, on cherche des personnes passionnées par le jeu et si possible talentueuses dans leur domaine pour ne rien gâcher.
On va commencer à faire 2-3 choses notamment :
- Faire mieux pour les joueurs actuels qui sont demandeurs de contenu francophone, de storytelling, raconté à travers des histoires, des vidéos, des documentaires sur la scène française.
- Recruter des nouveaux joueurs pour assurer la longévité du jeu sur plusieurs générations. Rassurer ceux qui n'ont pas sauté le pas sur la facilité à se mettre à LOL. Expliquer que grâce au matchmaking, ils ne seront pas ridicules et s'amuseront immédiatement.
Créer l'e-sport, cet écosystème qui rassemble les joueurs fidèles d'hier et ceux de demain, que l'on veut rassembler afin de pérenniser le jeu.
- En se faisant la main sur League Of Legends, en fournissant plus de contenu, en se rapprochant de nos joueurs, des cosplayers, des influenceurs... on gagnera en expérience au niveau du bureau France. On sera plus performants, prêts, avec comme grand objectif, d'accueillir de futurs jeux. Il faudra être talentueux comme une équipe de sport pour convertir l'essai.

Avez-vous un scoop sur les futurs jeux ?
Non pas de scoop, on ne peut encore rien révéler. Mais on s'appelle Riot Games avec un "s", donc il y a pas mal de projets dans les cartons. On en parlera en temps voulu.

Ne pensez-vous pas que les équipes d'e-sport manquent de stabilité notamment en France ?
Clairement, notre stratégie est de pérenniser l'e-sport. Il faut que, tous ensemble, les équipes et Riot, on se retrouve autour de la table, pour avancer. Il faut que l'on gagne en maturité. Que les toutes équipes puissent diversifier leurs sources de revenu, qu'elles ne reposent pas uniquement sur les gains en compétition. Montons tous en gamme et structurons-nous. Afin de créer cette assise, réunissons-nous tous ensemble autour d'un partenariat.

Les montants de transfert au foot atteignent des montants astronomiques. Selon vous, cela peut-il arriver à plus ou moins long terme dans l’e-sport ?
Non, bien sûr, pas encore. Le foot à une centaine d'années de développement. Mais, comme toutes les pratiques déviantes, comme pour le dopage, on est conscient que cela peut arriver. Au vu de la taille de l'écosystème et des montants, on est pour l'instant assez immunisé. Vu que l'on veut se développer et continuer à pérenniser les compétitions, on est très attentifs à ces évolutions, comme au sujet des transferts afin de trouver des réponses pour ne pas déséquilibrer le jeu compétitif et de ne pas décrédibiliser l'e-sport.

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Est-ce que les discussions ont avancé pour que LOL devienne une discipline olympique ?
Nous sommes totalement à disposition du Comité Olympique ou du Comité Paris 2024 pour discuter. Tony Estanguet avait annoncé vouloir faire un tour de table à la rentrée. On serait plus que ravis d'y participer. L'e-sport a beaucoup d'atouts intéressants pour en faire partie.
Pour League of Legends, on peut penser que l'on remplit déjà beaucoup de conditions favorables comme le fait d'être universel avec 100 millions de joueurs sur tous les continents.
L'accessibilité aussi puisque le jeu est gratuit et que les achats en jeu sont purement cosmétiques et n'avantagent pas les joueurs.
Peut-être qu'il nous manque un organe ou une instance dirigeante pour l'e-sport au niveau mondial afin de réguler les jeux, les disciplines. Et peut-être que le CIO, par son expérience, peut nous aider à structurer un tel organisme.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Que je finalise les 4 ou 5 recrues pour le bureau pour le premier trimestre aiderait beaucoup. Le recrutement, pour Riot, est essentiel. On veut une équipe talentueuse, je souhaite que l'on puisse monter en gamme l'e-sport à partir de l'année prochaine.
Mais avant tout, on veut intéresser les joueurs français. Ce qui me ferait plaisir, c'est de montrer au monde entier que le public français est le plus fou, le plus passionné ; mais pour cela, il faut leur donner des matchs intéressants, des équipes intéressantes et surtout beaucoup d'émotions, de suspens et d'amusement.

Pierre Maleyre

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