Des stéréotypes à la peau dure
"Narcos" est devenu un véritable phénomène depuis son lancement sur Netflix en 2015. Cette plongée trépidante a tenu en haleine les spectateurs dans le monde entier notamment à travers un personnage : Pablo Escobar, le plus célèbre des narcotrafiquants. Par son caractère bigger-than-life, ses phrases chocs et le bling-bling de son empire, Escobar fait un personnage de série idéal, vite devenu culte. Mais s'il y a un endroit où Narcos fait parfois grincer des dents, c'est en Colombie, le pays où se déroule l'action de Narcos. Il faut dire qu'en évoquant les heures sombres des luttes sanglantes entre les cartels de la drogue et une police gangrenée par la corruption, "Narcos" dresse un portrait pas toujours glamour de la Colombie. Et bien que le tournage de la série ait permis de créer des centaines d'emplois dans la région de Medellín où la série est tournée, la cohabitation avec les autorités locales n'a pas toujours été simple. La production de Narcos a notamment dû mener de longues négociations avec le maire de la ville de Carthagène des Indes pour avoir l'autorisation d'y tourner une partie de la saison 3 de la série.
Le mythe glorifié de Pablo Escobar
Le personnage de Pablo Escobar cristallise aussi autour de lui de nombreuses critiques. Escobar est une figure tellement importante dans l'histoire récente de la Colombie qu'on estime que près de 80 % des Colombiens ont été impactés par la guerre contre les cartels et l'empire d'Escobar et ses conséquences. Plus de sept millions d'habitants du pays ont été déplacés, que ce soit par les fusillades, les règlements de compte ou par les activités du narcotrafic. Au total, on estime à plus de 3 000 le nombre de morts au cours de la guerre contre le cartel de Medellín d'Escobar. Alors pour de nombreux Colombiens, l'image d'un Escobar élevé au rang de méchant culte passe parfois mal. D'autant qu'à force de se cacher du reste du monde, de nombreuses périodes de la vie d'Escobar restent inconnues du public. La série a donc dû inventer certaines anecdotes, certains personnages, et modeler parfois la réalité, ce qui n'est pas toujours du goût de tout le monde, que ce soit des proches du clan Escobar ou des personnes dont la vie a inspiré la série.
Une envie de tourner la page
Plus encore que le portrait de leur pays fait par la série, c'est l'existence même de "Narcos" qui fatigue certains Colombiens, qui s'agacent de voir une énième représentation de cet épisode de leur histoire. La Colombie a beaucoup changé depuis la mort de Pablo Escobar en 1993 et beaucoup sur place veulent désormais tourner la page Escobar. Ravagée par la violence et la corruption, la ville de Medellín a lancé de nombreuses réformes depuis et a vu en un quart de siècle le nombre d'homicides baisser de 95 % et la pauvreté de 66 %. Le développement rapide de la ville en fait même aujourd'hui une destination très prisée des touristes, même si le phénomène Narcos n'y est pas non plus étranger. Mais les films et les séries sur Escobar, eux, n'ont jamais arrêté de se tourner. Même la télévision colombienne continue de multiplier les œuvres sur la vie d'Escobar, que ce soit dans ses telenovelas ou dans des séries comme "El Capo" ou "El patrón del mal". Cette dernière est même diffusée également sur Netflix, comme "Narcos" ! Autant dire qu'on peut comprendre que les Colombiens en aient parfois ras le bol que l’on continue à leur parler de Pablo Escobar !