Le contexte des années 2000
Lorsque Eminem sort son hit "Stan", issu de son album "The Marshall Mathers LP 2", l’ambiance de la jeunesse est propice au doute, à la reconnaissance, à la recherche d’identité. Nous sommes le 9 décembre 2000 et il ne pouvait en être autrement: "Stan" ravage les esprits de toute une génération par son texte puissant et affectif. À cette époque, tout le monde se cherche, veut être dans la lumière, quitte à en perdre sa personnalité. Si on ajoute le courant musical du rap à cette époque, le chanteur Eminem, loin du stéréotype de son mouvement de par ses origines multiples et sa couleur de peau, est une révélation, un nouveau souffle.
Un texte sensible et travaillé
Sa chanson, composée sur quatre axes au dénouement tragique, est un crescendo de la destruction qui entoure un personnage, Stan, sur lui-même et, plus tard, sur sa femme enceinte. L’histoire de ce jeune homme qui ne vit que pour son idole Slim Shady, alias Eminem, est éprouvante car dénuée de tout discernement. Le morceau commence par une lettre de présentation de Stan, laquelle, ne trouvant pas de réponse immédiate, le fait douter: la poste ne ferait-elle pas sa distribution? S’est-il trompé dans l’adresse? Des premières questions qui se transforment dans le deuxième acte par un courrier plus affectif, plus familier. Il s’accorde une intimité avec son destinataire pour mieux toucher "sa proie". Stan parle de sa paternité, demande des nouvelles de la fille de Slim et cherche par tous les moyens à créer un lien amical. Il en vient même à prendre le rôle de défenseur de son petit frère, reparti bredouille après une sortie de concert, sans autographe. N’obtenant toujours pas de réponse au bout de six mois, Stan, dépressif, passe à l’attaque. La tension monte et, cette fois, prend des allures de folie: scarification et menaces implicites de suicide. Mais rien n’y fait.
Incontrôlable, en colère, déçu de n’avoir pas su accrocher Slim, il passe à l’action en laissant dans sa voiture une cassette expliquant les raisons de sa mort proche, sans toutefois citer le nom de son destinataire. Ce sera sa vengeance: culpabiliser son idole, le punir en devenant enfin maître de la situation. Il se jette d’un pont en voiture, sa femme enceinte enfermée dans le coffre, après avoir ingurgité un cocktail mêlant vodka et calmants. Lorsque Eminem reçoit les lettres, c’est trop tard. Désemparé, il lui répond en sachant que le fait divers, dont il a entendu parler, concernait "leur" histoire.
Construction du morceau
Eminem a utilisé le sample "Thank you" de Dido, qui chante elle-même les refrains sur un ton mélodieux pour adoucir la narration. L’interprète de "My Name Is" endosse le rôle des deux victimes en changeant son timbre de voix, une prouesse incontestable du talent de la pop star. Son clip, noir à souhait, prend tout de suite des allures de nostalgie, de tristesse. La pluie, le tonnerre, la jeune femme, la cave ajoutent, au tableau déjà sombre, son lot d’émotion sur un flow irréprochable.